Confinement #2 - COVID-19, symptôme de la crise écologique ?

A l’heure où vous commencez à lire cette newsletter, les experts n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur la source exacte du coronavirus.

Cependant, ils s’entendent tous à dire que le patient zéro a très certainement été infecté via un spécimen sauvage, probablement une chauve-souris ou un pangolin, qu’on retrouve par exemple dans le marché aux animaux de Wuhan.

“Quand les chats ne sont pas là les souris dansent” disent-ils en ce moment

Il faut savoir qu’aujourd’hui, environ 60 à 70% des virus sont d’origine animale. Si certains d’entre eux sont issus d’animaux domestiques ou d’élevage, plus des deux tiers proviennent d’animaux sauvages. Selon le Programme des Nations unies pour l’environnement, ces organismes appelés « zoonoses », ne cessent de se multiplier et sont responsables d’à peu près 31% des épidémies dans le monde.

Les interactions entre les humains et les microbes issus du milieu sauvage ont quasiment toujours existé. Les premières sociétés humaines, à travers leurs usages avaient ouvert la voie aux micro-organismes naturels, interagissant avec les animaux à l’origine des premières maladies infectieuses, comme la rougeole ou la coqueluche. Mais beaucoup de spécialistes parlent d’une « grande accélération » de ce phénomène depuis les cinquante dernières années..

Alors comment peut-on expliquer cette augmentation récente de la fréquence d’apparition de ces épidémies depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale ?

Cette newsletter, on l’avoue, ne sera pas la plus enjouée qu’on vous enverra. Mais on estime qu’elle est nécessaire pour comprendre l’origine de la crise que nous vivons actuellement et surtout pour poser les bases d’une réflexion plus profonde et d’une remise en question de certain.e.s habitudes/mécanismes. Alors que la biodiversité recule et que le climat se dérègle, l’objectif sera donc de comprendre en quoi nos société globalisées et industrialisées se révèlent extrêmement fragiles face à la prolifération de ce type de virus. Nous tenterons de mettre en lumière la responsabilité humaine mais également de pointer du doigt des débuts de solutions.

De plus, cette catastrophe sanitaire s’accompagne déjà d’une crise économique et d’une crise politique profondes, c’est pourquoi il est important que chacun puisse accéder aux bonnes informations pour pouvoir comprendre le fond du problème, se préparer et s’organiser en conscience à l’après.

Le lien entre effondrement de la biodiversité, changement climatique et épidémies

« La crise écologique créé la crise sanitaire » explique Serge Morand, chercheur au CNRS, dans une interview donnée à Hugo Clément sur l’origine du coronavirus. En effet ces véritables « flambées épidémiques » subies depuis ces dernières décennies auraient (encore !) un lien direct avec nos activités anthropiques. On vous explique pourquoi…

La destruction des écosystèmes augmente le risque d’épidémie

La destruction systématique des habitats naturels et la conversion des milieux notamment via la déforestation et l’urbanisation entraînent ce qu’on appelle un phénomène d’archipélisation du monde sauvage. Recroquevillée sur quelques parcelles de terre, la faune sauvage est contrainte de se rapprocher des zones d’activités humaines pour se nourrir, ce qui augmente la probabilité qu’un virus non dangereux pour l’animal porteur entre en contact avec l’homme. C’est notamment le cas du virus Ebola qui, à cause de la déforestation et de la migration forcée de certaines chauves-souris, s’est retrouvé en contact avec l’homme par le biais de la salive ou de morsures.

La perte de biodiversité se manifeste également par une rupture de la chaîne animale constituée de proies et de prédateurs qui, en temps normal, empêche la prolifération de certains parasites porteurs de maladies comme les moustiques (pour le paludisme) ou les tiques (pour la maladie de Lyme par exemple). La rupture de cette chaîne a donc pour conséquence de permettre aux pathogènes de passer facilement ce qu’on appelle la barrière des espèces.

De plus, nos modes de vie et notamment notre alimentation ont un impact énorme sur la manière dont se propagent ces zoonoses. Dans les marchés aux animaux sauvages tels que celui de Wuhan, un croisement entre certaines espèces a lieu alors que celles-ci ne se seraient normalement jamais rencontrées. Cela favorise encore une fois l’échange de microbes qui se retrouvent à un moment donné sur l’homme. L’élevage intensif a, comme toujours, sa part de responsabilité. Les bêtes sont entassées les unes sur les autres et leurs déjections sont beaucoup trop nombreuses pour que les sols puissent les transformer en engrais. De la même manière, cette stagnation favorise la prolifération puis la mutation de microbes bénins en agents pathogènes mortels (comme pour le virus de la grippe aviaire).

Le changement climatique, encore une fois, agit comme un multiplicateur de risque

Nombreuses sont les conséquences du changement climatique sur la santé humaine. Combiné à la destruction des habitats…

La hausse des températures bouleverse le cycle de l’eau. Beaucoup de régions sont en proie à des épisodes de sécheresse puis de fortes pluies. Conjugués à la déforestation, ces phénomènes ont pour conséquence le durcissement des sols, le ruissellement et la stagnation des eaux puis le développement de flaques propices à la prolifération des bactéries (comme pour le choléra) ou encore des moustiques.

Certains de ces moustiques, comme le moustique tigre, profitent du réchauffement du climat pour étendre leur zone d’expansion et commencent à sévir sous nos latitudes.

Les phénomènes météorologiques extrêmes poussent également des populations entières à trouver refuges dans des zones moins touchées. Selon l’Organisation des Nations Unies, ce seraient entre 250 millions et 1 milliard de personnes qui en 2050 seront devenues des déplacés environnementaux (22 millions de réfugiés climatiques en 2013, autant que la population de Côte d'Ivoire). Tous ces déplacements, d’animaux comme d’êtres humains, ont pour conséquence une propagation plus rapide des virus dans de nouvelles zones géographiques.

Last but not least : la fonte du permafrost (pergélisol en français pour les chauvins) – partie du sol gelée en permanence et qui commence déjà à fondre, 70 ans plus tôt que ce que les scientifiques avaient prévu – risque de libérer des virus enfouis dans la glace depuis des siècles. Parmi ces pathogènes beaucoup plus dangereux que le coronavirus, se trouveraient notamment l’anthrax, la peste ou la grippe espagnole. Que de bonnes nouvelles on vous l’avait dit !

C’est aussi beau que dangereux, tout ce qui se cache en dessous ne réserve pas que de belles surprises, vous pouvez cliquer dessus pour plus d’infos

Voilà donc quelques éléments qui nous poussent à réfléchir autrement et à prendre du recul sur la crise que nous sommes en train de vivre. Mais heureusement, certains se sont déjà posé ces questions et il existe des solutions pour tenter d’enrayer cette spirale infernale !

Mondialisation et concentration : des épidémies aux pandémies

Le vivant n’est pas permanent. “Le problème se trouve dans notre conception de la biodiversité. La biodiversité n’est pas permanente et elle n’est pas résistante à toutes les activités anthropiques” nous expliquait Philippe Grandcolas, Directeur de recherche au CNRS, le 25 mars 2020 lors d’un conférence de la Fondation Européenne pour le Climat.

La “grande accélération” dont nous parlions au début de cette Newsletter permet en partie de comprendre pourquoi il est si facile de passer d’une épidémie, qui aurait pû se cantonner aux frontières de Wuhan à une pandémie en moins de deux mois. Sa propagation ultra-rapide découle d’un monde qui vit par les échanges permanents, entre pays de tous niveaux de préparation sanitaire. Il révèle d’un coup des points faibles de notre système mondialisé et urbanisé.

Rien que sur notre territoire, 50 millions de personnes – plus des trois quarts de la population – habitent en ville, selon les données 2016 de l’Insee. Même si depuis la fin des années 60 le processus d’urbanisation réduit, la périurbanisation se poursuit. Pour partie, elle grignote les espaces ruraux en grande périphérie, fait passer des bourgs ruraux au statut de petite ville. Le périurbain se développe également en milieu rural.

Cette artificialisation des sols, cette perte de frontières naturelles et d’indépendance alimentaire et commerciale, permet et permettra si rien ne change, de continuer de propager de futures épidémies, devenant elles aussi des pandémies mondiales.

Lors de son discours “Pouvons-nous créer un monde exempt de pandémies?” à Dubaï en 2018, Tedros Adhanom directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), annonçait déjà que le monde n’est pas préparé à affronter ce type de crise. Inquiétude renforcée par le fait que 100 millions de personnes dans le monde n’ont pas les moyens de se soigner à cause d’une précarité extrême. Des personnes vulnérables qui sont les premières victimes d’une pandémie qui trouve le terreau idéal pour se propager, comme nous le voyons en ce moment même, partout à travers le monde, ainsi que sur notre territoire.

Plus qu’une crise sanitaire d’une ampleur exceptionnelle, elle nous fait éprouver très directement la crise de civilisation dans laquelle nous sommes désormais engagé.e.s et qui exige des réponses à la fois globales et locales.

“Le multilatéralisme, via l’OMS notamment, est notre meilleure arme contre le risque pandémique.” explique Pierre Gilbert, dans l’excellent article Coronavirus : la démondialisation écologique est notre meilleur antidote du Vent se Lève.

Réduire les risques grâce à l’écologie

Dans le cadre de cette crise, comme des futures, avoir une approche systémique, et non manichéenne, intégrant l’écologie, offre la possibilité de mieux comprendre l’imbrication complexe et le système d’interdépendance de chaque domaine avec cette dernière.

Dans le cas présent, la médecine infectieuse et générale doivent mieux collaborer avec les personnes travaillant sur les pratiques environnementales et la biodiversité (écologues, géographes, …). Cette approche permettrait d’endiguer les exploitations dangereuses pour l’équilibre des écosystèmes (qui permettent à l’heure actuelle le passage entre faune sauvage et mégalopoles) et devenir plus respectueux des écosystèmes de manière générale.

En d’autres termes, replacer l'humanité et la nature au coeur de nos préoccupations, pour (re)trouver des systèmes de productions résilients, notamment par le biais d’une agriculture durable qui nous protège en termes de santé, de biodiversité, ...

Des solutions pourtant simples existent, permettant de favoriser un environnement avec un meilleur équilibre écosystémique:

Favoriser la diversité génétique, mais aussi la diversité spécifique et la ré-introduction de barrières naturelles (cultures poly-variétales qui se faisaient encore dans les A70) pratique qui refait surface, notamment par le biais de la permaculture.

Endiguer le commerce et la consommation d’espèces sauvages, une priorité absolue pour empêcher la transmission de nouvelles épidémies chez l’Homme.

Une bonne nouvelle, la Chine interdit définitivement le commerce des espèces sauvages. Fin février, le parlement Chinois a décrété une interdiction permanente. « Il est interdit de chasser, d’échanger et de transporter des animaux sauvages terrestres qui évoluent et se reproduisent naturellement dans la nature à des fins alimentaires », précise la nouvelle loi.

Un dessin de pixel vengeur

Cependant, il existe des risques que l’interdiction des marchés puisse renforcer le commerce clandestin, aggravant la situation, car il n’y aura aucune régulation.

Vous pouvez vous aussi agir, dès maintenant !

En réfléchissant tout d’abord à ce qui est essentiel pour vous : c’est un moyen de comprendre votre rapport à la consommation, à votre mode de vie et à amorcer en fonction de vos besoin une transition écologique.

Réfléchir sur son mode de consommation : consommer local, de saison avec différentes variétés pour éviter les monocultures à l’autre bout du monde (déforestation, augmentation des émissions de gaz à effet de serre).

Également diminuer sa consommation en viande pour désintensifier l’élevage industriel, expliquant aussi la hausse des épidémies (comme les pandémies grippales par exemple).

Arnaud Gauffier, directeur des programmes chez WFF France nous a présenté des solutions de l’ONG lors du deuxième week-end de la Convention Citoyenne pour le climat (cliquez sur la vidéo pour en savoir plus !)

Il s’agit d’une affaire de citoyen.e.s et de scientifiques pour appeler à une prise de conscience mondiale.

Qu’on se le dise, la seule façon de lutter contre l’éco-anxiété à laquelle on fait tou.te.s face c’est de se bouger !

Ça tombe bien, chez ON EST PRÊT on regorge d’idées et de vidéos pour vous aider à passer à l’action en fonction de vos envies et possibilités !

Durant cette crise, la pénurie chez nos petits producteurs n’existe pas, et grâce à la confédération paysanne vous pouvez retrouver les moyens de s’approvisionner en circuits courts et vente directe durant le covid-19, et cette liste sera régulièrement mise à jour !

On vous remet juste ici, les vidéos de notre saison 2, pour un maximum de défis #POURLEVIVANT, adaptés pour tous les âges et tous les goûts. On apprend à limiter son impact sur l’Océan, réduire sa consommation d’énergie, planter voire même reforester, et bien plus encore !

Pour passer à l’action et aider plus spécifiquement durant ce confinement, on vous invite à lire ou relire notre newsletter de la semaine dernière ;)

D’une crise de l’anxiété à une crise de la résolution

Cette crise nous pousse à repenser la solidarité entre humains et entre la terre et les êtres vivants qui la peuplent. Sans abandonner totalement notre interconnexion au reste du monde, il est nécessaire d’offrir de nouvelles bases plus justes et durables, notamment lorsque les plans de relance seront discutés. Éduquer, sensibiliser et se mobiliser pour alimenter ce chantier primordial dans les mois qui viennent; pour construire et organiser une croissance de la sobriété heureuse, base d’une société plus résiliente, comme l’explique dans son rapport “Transformer le régime de croissance” l’économiste Michel Aglietta.

On vous propose de vous plonger dans l’aventure passionnante de 150 citoyen.ne.s, tiré.e.s au sort (sur des critères de représentativité de la population française) et qui depuis octobre 2019 travaillent sur des mesures permettant de réduire “de 40% les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 dans un esprit de Justice sociale”.

Cela fait six week-end qu’ils/elles se réunissent au Conseil économique, social et environnemental (CESE) et que nous les suivons grâce à notre équipe dédiée citoyens reporters !

Rejoindre les signataires du projet les Maires du Siècle, ce sont ceux qui prendront dès 2020 les bonnes décisions pour la transition de nos territoires. Signez pour demander au maire de ta ville de :

  • Proposer une alimentation biologique, moins carnée, locale et équitable dans la restauration collective.
  • Mettre fin au développement de grandes surfaces commerciales sur le territoire pour stopper l’artificialisation des sols.
  • Donner la priorité aux mobilités actives (marche, vélo) dans l’espace public.
“La crise pandémique actuelle montre que sortir de la mondialisation est possible, que stopper la machine peut se faire rapidement. Le choc s’encaisse difficilement car nous le subissons plus que nous le choisissons, or la décroissance choisie peut être une opportunité à condition de faire la nécessaire révolution spirituelle dont nous avons besoin.”

Yann Arthus-Bertrand et Julien Leprovost,
Crise du coronavirus, quels enseignements pour faire face à la crise écologique ?
Fondation Good Planet, 15.03.2020

Comptez sur nous pour continuer à vous accompagner et vous aider à agir durant cette crise. À la semaine prochaine, prenez soin de nous, des autres, et surtout, restons chez nous !

L’équipe Citoyens Reporters / On Est Prêt

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